Dix partis censés former la ceinture parlementaire dont se prévaut Elyes Fakhfakh planchent depuis hier sur les grands axes du programme commun du «gouvernement révolutionnaire». Sauf qu’Ennahdha, Tahya Tounès et Echaâb (soit près de 83 députés) appellent toujours le chef du gouvernement à «élargir les consultations».
Hier, mardi 28 janvier, à Dar Dhiafa, Elyes Fakhfakh, chef du gouvernement désigné, est passé à la deuxième phase du processus qu’il a adopté en vue de la formation de sa future équipe ministérielle en espérant être dans les délais constitutionnels (1 mois au plus tard à compter du jour de sa nomination par le Président Kaïs Saïed) pour la sollicitation de la confiance du Parlement ou pour devancer ces mêmes délais comme il l’a déclaré vendredi dernier en assurant qu’il «travaillera le plus rapidement possible pour former un gouvernement politique compact et cohérent».
Après avoir défini les partis politiques qui participeront aux négociations en vue, d’abord, de l’élaboration commune du programme gouvernemental, en partant du document de référence soumis aux participants par son équipe et, ensuite, à l’opération choix des ministres et répartition des ministères entre les partis partenaires du prochain gouvernement, Elyes Fakhfakh a donné, hier, le coup d’envoi des réunions des commissions conjointes entre les partis concernés censés plancher sur le document de référence considéré comme base préliminaire de discussion et déjà soumis aux partis politiques dont on attend la participation au gouvernement tant attendu et un vote favorable au Parlement.
Hier, donc, les rencontres-débats à Dar Dhiafa devaient se dérouler en deux rounds, le premier matinal a regroupé Ennahdha, Attayar, Echaâb, Tahya Tounès et en principe la coalition Al Karama, sauf que son représentant, Imed Dghij, a été empêché d’accéder à la salle des concertations. Les organisateurs considèrent, en effet, qu’il n’avait pas le droit d’y participer dans la mesure où ce sont Yosri Dali et Abdellatif Aloui qui étaient invités à représenter la coalition Al Karama.
La séance de l’après-midi devait enregistrer la participation des cinq partis politiques suivants : Machrou Tounès, l’Union populaire républicaine, Nida Tounès, Al Badil et Afek Tounès.
A l’ordre du jour des deux partis planchant sur le document de référence (qu’on pourrait appeler le premier draft du programme commun du gouvernement Fakhfakh au cas où il serait constitué et recevrait l’aval du Parlement), on découvre cinq axes dont les plus importants ont trait aux priorités économiques et sociales et aussi à la composition du gouvernement.
Ennahdha et Tahya Tounès campent sur leurs positions
Et à écouter les déclarations de Fakhfakh à l’issue de ces entretiens désormais quotidiens avec le chef de l’Etat pour lui rendre compte de la marche du processus des négociations et «recevoir aussi ses instructions», comme n’hésitent pas à le souligner plusieurs observateurs et à le jurer à qui veut les entendre, les leaders de Qalb Tounès, en premier lieu Oussama Khlifi et Yadh Loumi, les Tunisiens ont l’impression que ces mêmes concertations sont sur la voie d’aboutir aux résultats escomptés, soit — comme le répètent Fakhfakh et ses collaborateurs dont Jawhar Ben M’barek — la formation «d’un gouvernement révolutionnaire» qui concrétise la légitimité historique dont se prévaut le président Kaïs Saïed et qui a pour ceinture politique parlementaire et politique les dix partis qui ont entamé, hier, la discussion du programme commun du futur gouvernement et qui ont le droit de revendiquer «la fierté et l’honneur d’avoir soutenu Kaïs Saïed, le 13 octobre dernier, jour du second tour de l’élection présidentielle».
Il se trouve, malheureusement, que cette atmosphère d’optimisme régnant à Dar Dhiafa est contrariée par ce qui se passe réellement du côté de Montplaisir auprès d’Ennahdha, à la rue Nasser chez les leaders d’Echaab et au Lac, où siègent les barons de Tahya Tounès.
En effet, les barons de ces trois partis continuent à appeler Elyes Fakhfakh à «élargir les concertations en vue de la formation de son gouvernement», ce qui revient à dire qu’ils le poussent toujours à réviser sa décision d’exclure Qalb Tounès du processus des négociations en cours.
Et les pressions, pour le moment amicales, présagent, selon plusieurs observateurs, de sérieuses menaces de retrait de certains partis des concertations actuelles au cas où Elyes Fakhfakh camperait sur ses positions initiales.
Plusieurs voix s’élèvent, en effet, parmi Ennahdha et Tahya Tounès pour évoquer la possibilité de l’organisation d’élections législatives anticipées si l’approche de Fakhfakh connaît le même sort que celle de Habib Jemli.
Quand les députés nahdhaouis, épaulés par ceux de Qalb Tounès, soumettent au parlement un projet de loi sur la révision du seuil électoral et que Mohsen Nouichi, chef de la commission des élections au sein d’Ennahdha, révèle à l’hebdomadaire Achcharai Al Magharibi que «son parti se prépare à une probable étape électorale législative», il est permis de s’interroger si Fakhfakh va encore résister aux pressions des alliés qui ne trouvent pas toujours leurs comptes dans ses projets ou s’il va finir par changer de cap et répondre aux revendications dont il est inondé de jour en jour.